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Le dépistage chez les conducteurs de motos taxis

Le dépistage chez les conducteurs de motos taxis

Les contributions qui suivent ont été collectées sur le terrain par les 05 Experts du projet MOVIHCAM dans les villes suivantes : Bafoussam, Batouri, Douala, Kribi, N’Gaoundéré. Sur le thème ‘Dépistage chez les conducteurs de motos taxis’, il a été demandé aux experts d’interviewer des conducteurs de motos taxis, du personnel médical travaillant (telles que les CPS/APS) afin de relever les freins, croyances les plus répandus chez les conducteurs de motos taxis ainsi que les stratégies par eux adoptées. Les informations collectées permettent de mettre en évidence les principales tendances qui se dégagent (et qui très souvent se rejoignent) au sein d’une même population cible dans différents lieux géographiques. Ce document pourra ainsi contribuer à apporter des éléments de compréhension et fournir des arguments aux personnes, en particulier les pairs éducateurs et les acteurs de lutte contre le VIH, qui travaillent sur le terrain afin de convaincre avec plus d’efficacité les conducteurs de motos taxis à se faire dépister afin de connaître leur statut, s’ils sont dépistés positifs afin de les amener à prendre leur traitement et en général afin de les convaincre à adopter des gestes responsables afin de préserver leur santé.

Globalement, une grande tendance se dégage : il existe un réel engouement des conducteurs de motos taxis à se faire dépister et à retirer leurs résultats même si certains freins et/ou croyances liés, entre autres, au déni, à une faible connaissance des modes de transmission de la maladie, du traitement par ARV et des principes du dépistage persistent.

A ce propos, l’étude CAP motos taxis réalisée en 2016 par Moto Action révèle en parlant du dépistage chez les conducteurs de motos taxis que, 81,8% des conducteurs  de motos-taxis ont déclaré déjà avoir fait un test  de dépistage du VIH (51,7% en ont fait dans les 12 derniers mois) pendant que 98% des conducteurs de motos-taxis avaient pris connaissance des résultats  de leur dernier test.

Par ailleurs, la prévalence de l’infection par le VIH globale était de 2,6% (IC95% : 1,3 – 3,8). Une hétérogénéité entre les villes était observée (prévalence de 3,4% à Douala et  4,6% à Bertoua) pendant que les comportements sexuels à risque tels que des relations sexuelles avec des TS (35,1%), avec des clientes (36,3%) ou avec des partenaires occasionnelles (33%) sont plus fréquents chez cette population cible  comparés à ceux qui étaient observés chez un groupe témoin d’hommes dans l’EDS 2011.

DETAILS DES REPONSES DONNEES

De nombreuses raisons poussent les conducteurs de motos taxis à effectuer ou à vouloir effectuer leur test de dépistage et retirer leurs résultats. L’une des principales est que le test leur permet de connaître leur état de santé, de savoir s’ils ont le VIH ou pas, de connaître leur statut sérologique  (Douala, Ngaoundéré, Batouri). Un geste responsable qui trouve par ailleurs son explication dans les résultats de l’étude CAP motos taxis réalisée en 2016 par Moto Action révélant en matière de comportements sexuels et de perception de la fidélité que 13%  déclarent ne jamais utiliser le préservatif avec les partenaires occasionnelles (soit 87 % ayant toujours recourt au préservatif). Alors que 90.9% des conducteurs de motos-taxis pensent que la fidélité est nécessaire pour le bonheur du couple, 64% répondent que leurs pairs ont une opinion plus mitigée. Par ailleurs, 40% des personnes de l’entourage proche des conducteurs interrogés auraient été engagés dans des relations multiples avec une forte proportion de conducteurs de motos-taxis (43.4%) qui ont eu des  partenaires multiples (concurrentiels) au cours de leur  dernière relation.

Quand on leur demande  les lieux où ils se font régulièrement dépister et retirent leurs résultats, ils citent :

  • Les hôpitaux/formations sanitaires (Douala, Kribi, Ngaoundéré) ;
  • Les centres de santé intégrés (Ngaoundéré) ;
  • Les unités de prise en charge et Centres de Traitement Agrées (Batouri, Kribi) ;
  • Lors des campagnes de sensibilisation dans les carrefours (Kribi, Bafoussam).

Si les conducteurs de motos-taxis sont bien conscients que le dépistage leur permet d’être fixé sur leur état de santé, et de ce fait adoptent les comportements responsables en matière de dépistage, il faut noter tout de même qu’un certain nombre de croyances (idées, opinions) persistent encore à savoir :

  • Le dépistage c’est pour ceux qui se reprochent quelque chose (Douala) ;
  • Le sida n’existe pas (Douala) ;
  • Le dépistage se fait par personne interposée (Ngaoundéré, Kribi) ;
  • Le tramol protège contre toute maladie (Ngaoundéré) ;
  • Les seringues utilisées par les médecins contiennent le virus (Batouri, Kribi) ;
  • Ce sont les médecins qui donnent la maladie aux gens et font les erreurs médicales (Batouri, Kribi).

Des croyances auxquelles s’ajoutent des freins en l’occurrence :

  • La peur de connaitre son statut (Batouri, Kribi) ;
  • Les effets secondaires du traitement (Batouri) ;
  • Le traitement se prend à vie (Batouri) ;
  • Le manque de temps (Ngaoundéré, Kribi) ;
  • La crainte des erreurs médicales (Kribi) ;
  • La langue (Nagoundéré) ;
  • L’ignorance (Ngaoundéré) ;
  • La stigmatisation (Kribi).

Même si l’étude citée ci-dessus ressort des déclarations des personnes interrogées qu’en matière de stigmatisation  leur attitude vis-à-vis des personnes infectées par le VIH était positive avec 82,3% des personnes interrogées prêtes à partager leur repas avec un(e) PVVIH, 83,8%  prêtes à transporter un(e) PVVIH et 54,8% n’ayant pas peur de venir en aide à une personne  qu’on sait infectée par le VIH.

Dans le même temps, le personnel médical reconnaît accueillir à l’unanimité des conducteurs de motos taxis dans les centres de prise en charge et quand il recense les freins en matière de dépistage chez cette cible, les réponses rejoignent celles des conducteurs de motos taxis à quelques exceptions près :

  • Le manque de temps (Ngaoundéré, Bafoussam) ;
  • Le problème de parking et de sécurité des motos dans les hôpitaux (Ngaoundéré) ;
  • La peur de connaître son statut (Batouri) ;
  • La chasse à l’argent (Bafoussam) ;
  • La crainte de la non confidentialité des résultats (Bafoussam) ;
  • Le refus des patients (Kribi) ;
  • Les conditions sanitaires auxquelles sont soumis les PVVIH (Batouri).

Face à ces freins, le personnel médical adopte un certain nombre de stratégies au titre desquelles :

  • Faire venir les épouses (Ngaoundéré) ou encore les pairs (Bafoussam);
  • Déployer les campagnes de sensibilisation de masse gratuites dans les carrefours (Ngaoundéré, Bafoussam);
  • Faire un suivi personnalisé par le biais des appels téléphoniques (Batouri) ;
  • Procéder au counseling pré test en examinant avec la personne la question du VIH et les avantages à pratiquer ou non un test de dépistage et ses motivations (Batouri, Kribi) ;
  • Effectuer des Visites à Domicile (Kribi).

En termes d’argument, ils évoquent notamment que :

  • Le dépistage permet de se préserver et de préserver sa famille, la santé de son couple (Douala) étant donné que 4 conducteurs sur cinq (81,7%) ont déclaré avoir communiqué le résultat du test à  toutes leurs partenaires selon l’étude CAP motos taxis 2016.

Avec les conducteurs de motos taxis séropositifs, les difficultés particulières rencontrées par les CPS/APS  dans le suivi, l’accompagnement, l’observance sont :

  • Le non-respect des rendez-vous (Douala) ;
  • Le partage de fausses informations qui rend difficile la mise sous traitement (Batouri, Bafoussam) ;
  • Le déni qui conduit aux perdus de vue (Bafoussam).

Un ensemble de difficultés souvent liées selon les CPS/APS à des croyances et des freins d’ordre religieux et traditionnels qui persistent encore chez 1% des conducteurs de  motos- taxis citant la sorcellerie ou les piqures de moustique comme mode de contamination ou le  lavage du sexe comme méthode de prévention selon l’étude citée en référence.

Par ailleurs, une alternative pour eux est également de faire le dépistage par personne interposée et ceci toujours par peur de connaître son statut (Kribi).

Des alternatives ayant pour conséquences pour eux en l’occurrence qu’ils restent dans l’ignorance (Kribi), la dégradation de leur état de santé (Kribi), la persistance des fausses informations et fausses croyances ayant pour incidence :

  • Le refus de se faire dépister (Bafoussam) ;
  • Le non retrait des résultats (Kribi) ;
  • Les perdus de vue (Kribi, Bafoussam).